
Les descendants des dieux grecs ?
Si la noblesse de l’époque avait régulièrement des tendances mégalomanes à fantasmer autour de sa généalogie, que dire de la famille Colonna ? Elle descend d’une autre famille plus ancienne, les Tusculo, une des plus puissantes du Latium au Xème et XIème siècles, ayant donné à l’église de nombreux papes. Elle-même serait, selon la légende, issue de la Gens Iulia, une famille de la Rome impériale suffisamment illustre pour comporter Jules César, Auguste, Tibère et Néron parmi les siens, lignée plus connue sous le nom des Julio-Claudiens. Or, selon la légende, ces derniers seraient les descendants d’Ascagne lui-même fils d’Enée, héros de la guerre de Troie ayant fui vers la péninsule italienne et fils de Vénus, la déesse de l’amour.
Pour résumer l’ascendance de la famille Colonna et du dernier du titre encore vivant aujourd’hui, Giovanni Andrea Colonna (né en 1975), on en viendrait donc indirectement et selon les différentes légendes à la déesse Vénus…
« Une grande famille romaine »
Contrairement à d’autres familles « faussement » romaines puisque originaires d’autres régions d’Italie comme les Borghèse (Toscane); les Colonna sont originaires du Latium. Comme expliqué plus haut, ils tiennent leurs origines des Théophylactes (les comtes de Tusculo). Ces derniers seront connus plus tard pour avoir instauré la « pornocratie » (lorsque les maîtresses des Papes avaient le véritable pouvoir sur l’institution religieuse).
Pietro Colonna, comte de Tuscolo fut le premier à prendre le nom de Colonna au début du XIIème siècle, habitant dans une ville des Castelli Romani au nom homonyme. A cet époque-là, on observe une recomposition de la noblesse romaine, où les vieilles familles aristocratiques disparaissent au profit de nouvelles comme les Colonna. Ces derniers vont développer leur assise sur la campagne romaine et prendre de l’importance à la Curie du Vatican. Giovanni Colonna sera le premier à être nommé cardinal en 1193, un deuxième Giovanni le sera en 1212 et s’en suivront de nombreux autres postes d’importance (sénateurs, militaires, hommes d’église) pour la famille qui devient alors incontournable à Rome.
Rivalités entre familles
Les Colonna étaient les ennemis héréditaires des Orsini et des Caetani. Cette rivalité entre familles se traduisait par une distinction entre Gibelins, partisans de l’empereur germanique en Italie comme les Colonna et les Guelfes, soutenant le Pape. En 1294, un membre des Caetani est élu Pape sous le nom de Boniface VIII. Ce sera une période difficile pour les Colonna qui doivent alors faire avec l’hostilité du chef de l’église. Ils comploteront alors contre le Pape aidés de Guillaume de Nogaret missionné par le Roi de France. Ce dernier accompagné de Sciarra Colonna va, doté d’une petite armée, prendre d’assaut la résidence papale où réside Boniface VIII à Anagni. Cet épisode dans cette ville sera appelé « l’attentat d’Anagni » en raison d’une gifle de Sciarra adressée contre le Pape. On raconte que ce dernier mourra de chagrin et de honte un mois plus tard. Son successeur excommuniera Sciarra Colonna et sa famille quittera Rome. Il faut attendre le début du XVème siècle, 1417, pour observer le retour des Colonna sur la scène romaine. Odonne est en effet nommé pape cette année-là. Pour l’église catholique c’est la fin des graves troubles du XIVème siècle qui ont divisé la chrétienté avec comme point d’orgue les deux Papes à Avignon et Rome. Martin V va mettre fin à la crise papale et familiale, les Colonna récupérant une grande partie des territoires, châteaux, domaines perdus contre les Orsini et vont en conquérir de nouveaux. Les conflits redémarrent à la mort du Pape. Sixte IV, nouveau pape allié à la famille Orsini, fait confisquer de nombreux biens des Colonna. La « Pax Romana » de 1511 sous Jules II met fin au conflit entre les deux familles après deux siècles de lutte acharnée. Fabrizio I Colonna et Giulio Orsini se jurent de ne plus s’attaquer, s’excusent des torts passés et s’embrassent devant l’autel en présence du Pape.
Une famille qui évolue
Le grand protagoniste du XVIème siècle chez les Colonna restera Marcantonio II gouvernant la flotte papale lors de la victoire historique de Lépante contre les Ottomans. A partir de cette époque, la famille évolue, moins guerrière, moins belliqueuse ou machiavélique et plus humaine, portée sur l’art, la diplomatie, l’architecture tout en restant très proche des Papes et intégrant les cours des rois espagnols et français. L’histoire moderne des Colonna est marquée par la division entre ceux qui défendent le Pape et ceux qui sont favorables à l’Italie unifiée. Plus tard, Prospero Colonna sera élu maire de Rome pour 3 mandats. Beaucoup de Colonna auront des fonctions importantes au XXème siècle, ambassadeurs à Washington, généraux, etc…
Les Armes des Colonna
Sur un fond rouge, un obélisque ou plutôt une grande colonne blanche surmontée d’une couronne. Les armes des Colonna et peut-être leur propre nom, ont une origine religieuse puisqu’ils reprennent la symbolique de la colonne sur laquelle Jésus-Christ aurait été lié pendant sa flagellation, colonne rapportée à Rome au XIIème siècle. La couronne impériale fut rajoutée lorsque Etienne Colonna couronna Louis de Bavière.
Rome, la ville des Colonna
Le Palazzo Colonna est la demeure historique de la famille à Rome. Situé en plein centre de Rome à proximité de la Piazza Venezia, il abrite la Galerie Colonna, une collection de peintures amassées par la famille. Ce choix de mécénat fut impulsé par Girolamo Colonna au XVIIème siècle dans le cadre de la reconversion des affaires de la famille.
Par ailleurs, les Colonna sont des propriétaires terriens et ont toujours possédé des milliers d’hectares de terres agricoles et des châteaux autour de Rome particulièrement dans les Castelli Romani. Au niveau de l’actuelle villa Torlonia se trouvaient par exemple des terrains agricoles appartenant aux Colonna.
La piazza Colonna n’a pas de lien avec la famille mais son nom s’explique par la présence sur cette place de la Colonne de Marc Aurèle.