
« Un peuple déicide » ; voilà comment était surnommé les juifs, accusés d’avoir tué le Christ et par conséquent, maudits à jamais par les chrétiens et souvent reclus à vivre dans les ghettos des villes.
La création d’un ghetto
En 1555, le Pape Paul IV décrète via la bulle pontificale « Cum nimis absurdum » une série de lois contraignant la population juive de Rome et des Etats pontificaux. Parmi les interdictions et les règles, la création d’un ghetto pour les juifs, obligés de se regrouper dans le rione Sant’ Angelo au bord du Tibre et de quitter leurs habitations du Trastevere et de l’Aventin.
Le pape prend ici exemple sur Venise, qui créa un ghetto en 1516 dans le quartier de Cannaregio. Les juifs, pourtant présents à Rome depuis l’antiquité et comptant une communauté d’environ 2000 personnes, doivent rejoindre le rione Sant’ Angelo et s’entasser dans une zone dense, petite, insalubre et régulièrement inondée par le Tibre.
La vie dans le Ghetto
Un mur est construit pour entourer le ghetto afin de contrôler sa population résidente. Deux portes, puis d’autres qui seront construites ultérieurement, permettent de communiquer avec l’extérieur. Néanmoins, les entrées seront fermées du coucher au lever du soleil, donnant vraiment l’impression de vivre dans une prison. Interdits de propriété privée, de pratiquer la médecine sur les chrétiens, obligés de suivre les sermons des prêtres, de payer un impôt spécial et de porter une casquette jaune en sortant du ghetto, la communauté juive romaine vie très difficilement entre pauvreté, humiliation et discrimination.
La fin du ghetto
Une première fois aboli au moment de l’entrée des troupes françaises à Rome en 1798, le ghetto est plusieurs fois rétabli puis de nouveau supprimé lors de la prise de Rome en 1870. Le maire juif, Ernesto Nathan sera le symbole de la réconciliation entre la communauté et Rome. Plus vieux ghetto d’Europe avec celui de Venise, il est réinstauré au cours de l’occupation allemande comme dans d’autres pays européens. Le 16 octobre 1943, une rafle dans le ghetto va conduire à l’arrestation d’un millier de personnes, qui seront déportées depuis la station Tiburtina vers Auschwitz malgré les tentatives de l’Église d’empêcher ces départs.
Le quartier aujourd’hui
Situé en plein cœur du centre de Rome, l’ancien ghetto est devenu un quartier assez touristique, en même temps qu’il abrite encore aujourd’hui une petite communauté juive. Il abrite la grande synagogue, construite en 1904 pour symboliser la réconciliation entre juifs et chrétiens et reconnaissable de loin avec son grand dôme spectaculaire. Lieu d’un attentat en 1982 qui coûta la vie à un enfant et qui blessa 37 personnes, la synagogue est aujourd’hui le symbole de la communauté, Jean-Paul II s’y étant rendu en 1986 pour participer au renouveau des relations entre chrétiens et juifs. De nombreux restaurants, épiceries et magasins juifs peuplent encore le ghetto qui tente de conserver son authenticité dans une zone livrée au tourisme.
On dit que les habitants du quartier parlent toujours le Giudeo-romanesco, un dialecte du ghetto datant des siècles précédents symbolisant la mixité entre culture juive et italienne. Une mixité qu’on retrouve également dans la cuisine du ghetto, reconnue en tant que gastronomie juive romaine comme les carciofi alla giudia.
Aujourd’hui parfaitement intégrés dans la ville, les juifs romains partagent leurs traditions séculaires lors d’événements comme la Notte della Cabbalà en septembre ou Gusto Kosher en novembre. Si vous vous baladez dans le quartier, vous trouverez de nombreuses références au ghetto, des plaques commémoratives, un reste du mur au niveau de la Piazza delle Cinque Scuole, et la visite du musée juif de Rome qui comprend la visite de la synagogue.