
Ce week-end, la station de métro San Giovanni sur la ligne C a été inaugurée (ouverture à l’automne). Une grande victoire symbolique pour la mairie, mais que d’efforts et de sacrifices pour y arriver. Les travaux entamés en 2007 auront en effet duré 10 ans et coûté cher au contribuable alors que le reste du parcours est loin d’être terminé voire encore en projet.
Si la ligne C du métro romain n’avance pas, ce n’est pas uniquement la faute de l’administration municipale, d’ATAC (qui gère le réseau) et de ses dysfonctionnements, mais aussi à celle des fouilles archéologiques qui précèdent la construction de la nouvelle ligne et freinent donc l’avancée des travaux.
L’annonce de la découverte des vestiges d’un aqueduc sur le tracé du métro C, lundi 3 avril dans le rione du Celio, proche du Colisée, a surpris l’ensemble des spécialistes, il serait en effet le plus ancien jamais découvert à Rome, de quoi bien ralentir les travaux…
Le développement des transports d’aujourd’hui serait donc freiné par la présence de ceux d’hier : les aqueducs.

La grandeur de l’Empire Romain
Ces derniers ont fait la grandeur de l’Empire romain. L’historien Denys d’Halicarnasse considérait que « l’extraordinaire grandeur de l’Empire romain se manifestait avant tout à travers trois éléments : les aqueducs, les routes pavées et le réseau des égouts ». Il est vrai que l’incroyable ingéniosité des architectes de l’époque (on pense au Pont du Gard) soulève une question, étions-nous capable de construire une telle œuvre au Moyen Âge, soit près d’un millénaire après ? Sûrement pas…
Grâce à un certain Sesto Giulio Frontino auteur de : De aquis urbis Romae et nommé Curateur des eaux au Ier siècle après J-C, on en sait beaucoup plus sur ces fameux aqueducs.
Toujours plus d’or bleu
Les Romains ont été les premiers à aménager un réseau d’acheminement de l’eau performant vers leurs villes, et ce au IIIème siècle avant J-C. Ces innovations technologiques, qui reprenaient en partie des savoir-faire grecs et étrusques, sont venues d’une nécessité : Rome avait un cruel besoin d’eau. En effet, les standards de vie de l’époque et l’augmentation rapide de la population imposait des quantités toujours plus grandes « d’or bleu ». L’eau était utilisée pour les thermes, les latrines, les fontaines, et plus largement dans les habitations privées. Plus tard, la ville allait avoir également besoin d’énormes réserves d’eau pour les naumachie (jeux du cirque sous forme de bataille navale).
Le premier aqueduc : l’Aqua Appia
Alors que l’eau du Tibre était (déjà) impropre et propice aux maladies, il fut décidé de la part du censeur Appio Claudio Cieco (aussi à l’initiative de la via Appia) de construire un premier aqueduc qui sera plus tard appelé Aqua Appia en hommage à son promoteur. La source initiale fut choisie à environ 16 kilomètres de Rome, l’aqueduc prenait ensuite la direction du Forum Boarium au bord du Tibre où il déversait environ 75 000 mètres cubes d’eau par jour. Le long du parcours, le dénivelé était de 10 mètres. C’est ainsi que fonctionnait les aqueducs, une faible pente permettait d’écouler l’eau jusqu’à son arrivée. En 272 avant J-C, on créa l’Anio Vetus, le second aqueduc romain pour faire face aux besoins croissants de la population. Pour des raisons stratégiques, la guerre étant aux portes de Rome, on décida de le construire presque entièrement de façon souterraine.
Face au développement de la ville, d’autres aqueducs furent créés, l’Aqua Marcia en 145 avant J-C, l’Aqua Tepula (127 avant J-C), l’Aqua lulia (33 avant J-C), l’Aqua Virgo (19 avant J-C), l’Aqua Alsietina (2 avant J-C), l’Aqua Claudia et l’Anio Novus en 52 après J-C, l’Aqua Traiana (109 après J-C) et enfin l’Aqua Alexandrina (226 après J-C).
Arriver à gérer 11 aqueducs
Pour gérer ces 11 aqueducs, on nomma un Curateur des eaux. Il était sous l’Empire chargé du bon approvisionnement en eau de la Capitale. Il devait lutter contre les gaspillages et les détournements d’eau, gérer la manutention et l’état du réseau et veiller à une juste distribution. Pour cela, des règles de partage était ordonnées, pour l’aqueduc de l’Anio Vetus, une petite partie (5%) allait à l’empereur, 44% aux particuliers, et 50% pour les usages publics. Il fut également décidé de créer un véritable hub du transport de l’eau au niveau de la Porta Maggiore en y faisant converger 8 des 11 aqueducs menant à Rome. On y trouve aujourd’hui de nombreux vestiges très bien conservés à travers le mur d’Aurélien. Les historiens considèrent aujourd’hui que la disponibilité en eau par habitant était près de deux fois plus importante à l’époque qu’aujourd’hui. Il faut en effet s’imaginer qu’à son apogée, Rome comptait près de 1300 fontaines publiques dont 15 monumentales, environ 900 piscines, 11 thermes publics et plusieurs lacs artificiels.
On construira plus tard, à la Renaissance, de nouveaux aqueducs pour les domaines Papaux, les populations romaines du Campo Marzo et les nouvelles fontaines. L’Aqueduc Felice réalisé en 1585 par ordre de Sixte V, servira lui à alimenter les zones du Quirinale et du Viminale.
Et aujourd’hui
Aujourd’hui, il n’existe plus qu’un seul aqueduc fonctionnel, celui d’Aqua Virgo qui avait pour principal but de ravitailler les thermes d’Agrippa situés entre le Panthéon et le théâtre de Pompée. En partie détruit après la chute de l’Empire romain, il est restauré une première fois par le Pape Nicolas V puis par ses successeurs en vue d’alimenter la fontaine de Trevi, celle de la Barcaccia à la piazza di Spagna et celle des Quatre-fleuve sur la piazza Navona. Encore aujourd’hui, l’eau qui sort de la fontaine de Trevi vient de l’Aqua Virgo.
Pour retrouver ses chefs-d’œuvre techniques de l’architecture antique, il vous faut aller au Parc degli Acquedotti où 7 d’entre eux se croisent. Le Parc de Torre Del Fiscale vaut également le coup d’œil comme la Porta Furba dont l’arc soutient l’Aqueduc Felice. Enfin, la Porta Maggiore qui fait entrer dans le centre-ville les différents aqueducs est également à voir.